(Rappel) L’herbe est disponible à profusion, presque partout où nous vivons. Mais elle contient de la cellulose, que nous sommes totalement incapables de digérer. Les ruminants, par contre, s’en nourrissent et la transforme avantageusement. La vache peut donc aussi consommer du foin, et nourrir un petit de son lait en plein hiver. Nos grand-parents pouvaient alors disposer de viande de veau à la fin de cette période délicate. Quand le stock de céréales de l’année précédente était épuisé, alors que les nouvelles récoltes n’étaient pas encore là…
Veau ou agneau : un garde-manger pour l’hiver Le veau constitua ainsi une « réserve de nourriture » pour des générations de paysans à qui il évitait la famine. Ce même rôle fut dédié au porc (voir art.), capable de se nourrir d’à peu près tout et n’importe quoi, depuis les glands en forêt, jusqu’aux restes de nos repas. De nombreuses traditions religieuses ou culturelles se sont greffées sur ces cycles naturels d’élevage : lors du carême, le jeûne coïncide – par un heureux hasard ? – avec la période de disette de la fin de l’hiver. Le retour du printemps s’accompagnait alors des premiers repas festifs, autour de l’agneau ou du veau de Pâques…
L’apparition de l’élevage dans l’histoire des hommes : une succession de choix judicieux et décisifs pour notre survie Que l’on soit croyant ou non, on ne peut qu’admirer ce bel ordonnancement, plein de bon sens, qu’ont ainsi élaboré nos aïeux. Dans un monde qui perd ses repères, il est urgent de remettre nos pratiques agricoles et alimentaires dans la perspective historique qu’elles méritent. En matière d’élevage, seuls les espèces domestiques ou les produits diffèrent, d’un continent à l’autre. C’est aussi ce qui fait notre diversité et notre richesse culturelle.
Indiens d’Amérique ou éleveurs de l’Himalaya remercient l’animal sacrifié Comme ce mot l’indique, il s’agit bien pour l’animal de se sacrifier au profit de ceux qui vivront grâce à lui, dans le sens le plus noble du terme. Ces rites créent un lien très fort, de respect envers l’être qui nous nourrit. Aujourd’hui encore, les éleveurs vouent un véritable attachement à leurs plus vieilles vaches, chèvres ou brebis, sans pour autant trembler au moment de les envoyer à l’abattoir.
Peu l’avoueront, mais même avec le recul nécessaire en cette circonstance, nombreux sont ceux qui « communient » véritablement avec leur animal à ce moment précis, en le remerciant mentalement. C’est un lien extrêmement fort et encore quasi-religieux, pour certains.
Lait de chamelle, laine des moutons ou des vigognes,
beurre de yak, sang des vaches Masaï, …
En échange de leur protection contre les prédateurs, d’un abri et de l’assurance d’une nourriture abondante, les animaux domestiques se sont volontiers laisser traire, tondre ou même séparer de leurs petits. La domestication du mouton (ou de son ancêtre sauvage, le mouflon) commença par une simple cohabitation.
Après avoir découvert les vertus de la laine tombée naturellement de leur toison, les hommes leur offrirent protection au sein de leurs campements. Contre une tonte annuelle particulièrement appréciée par les ovins en période de forte chaleur…
Du fait des moindres prélèvements des prédateurs sur les troupeaux, les agneaux en surnombre purent être élevés et consommés par notre éleveur de la préhistoire. N’en déplaise aux anthropomorphistes que trop de sensiblerie peut aveugler : les animaux ont de tout temps nourri les hommes, garantissant sa survie quand les végétaux étaient absents du menu… (à suivre.)